Lecomte
Mirror Maze
par Pierre-Yves Desaive
(Texte d'introduction de l'exposition "Mirror Maze"dans la galerie du Botanique, septembre 2020)
Elle se cassa la tête là-dessus pendant un certain temps, puis, brusquement, une idée lumineuse lui vint à l'esprit : « Mais bien sûr ! c'est un livre du Miroir ! Si je le tiens devant un miroir, les mots seront de nouveau comme ils doivent être. »
Lewis Carroll, De l’autre côté du miroir (1872)
Le travail d’Yves Lecomte questionne les liens entre l’image et sa copie, le réel et son reflet. Avec le temps, cette démarche gagne chaque jour en pertinence : dans une époque où la communication visuelle sature tant l’espace public que la sphère privée, où une image peut exister instantanément en de multiples exemplaires et versions – retouchée, modifiée, filtrée -, la notion « d’original » est de plus en plus floue. Celle de vérité aussi : il y a quelques années, l’agence Associated Press (AP) mettait fin définitivement à sa collaboration avec un photographe (par ailleurs lauréat du célèbre Prix Pulitzer), celui-ci ayant retouché avec Photoshop l’un de ses clichés du conflit syrien. La sanction était sévère, mais se voulait à la hauteur des enjeux : si les images ne reflètent plus le réel, à quoi bon les convoquer pour distinguer le vrai du faux ? L’on se souvient de l’équipe de communication de Donald Trump soutenant que la cérémonie de son investiture avait attiré plus de monde que celle de Barack Obama, alors même que les vues aériennes des deux événements démontraient clairement le contraire. La conseillère de Trump parla de « faits alternatifs », une manière d’instiller le doute et un appel du pied aux complotistes de tout bord, soutiens du nouveau président : une photographie, c’est si facile à truquer.
Le miroir occupe dès lors une place centrale dans l’oeuvre d’Yves Lecomte, car il symbolise le stade ultime de la « trahison des images » pour paraphraser Magritte : le reflet est à la fois une copie parfaite, et faussée, de ce qu’il reflète. L’artiste a naguère utilisé un palindrome, ces phrases construites sur leur double inversé, comme titre d’une exposition : Engage le jeu que je le gagne. Pour le Botanique, Mirror Maze renvoie directement à ce qui attend le visiteur : un labyrinthe visuel où, comme Alice lorsqu’elle passe de l’autre côté du miroir, les apparences sont (presque) toujours trompeuses.
Ce qui frappe d’emblée, c’est justement l’absence de reflets : l’accrochage présente plusieurs dizaines de cadres rectangulaires, horizontaux ou verticaux, certains colorés, d’autres dans des tonalités plus neutres qui évoquent le carton ou le bois. Des tirages en noir et blanc sont intégrés à l’ensemble, de même que des petites formes géométriques blanches qui sont peut-être les seules à suggérer ce qu’elles sont vraiment : les impressions tridimensionnelles en réduction des cadres qui les entourent. L’espace qu’elles occupent, très réduit, est inversement proportionnel à leur importance pour trouver son chemin dans le dédale imaginé par l’artiste. Elles sont au nombre de huit, comme les miroirs qui ont servi de point de départ au projet Mirror Maze.
Par le passé, Yves Lecomte s’est déjà servi de simples miroirs produits industriellement, qu’il présentait avec la face réfléchissante tournée vers le mur. Le dos de ces objets est généralement peint de manière uniforme, et comporte des suites de mots ou de chiffres utilisées par le fabricant, mais incompréhensibles pour le spectateur. L’artiste jouait sur cet aspect cryptique pour détourner tant les codes de la peinture monochrome que ceux de l’esthétique conceptuelle. Il a également réalisé des « peintures-miroirs », copies peintes à l’identique de ces faces cachées. Mirror Maze prolonge ces deux démarches en les complexifiant : tout comme deux miroirs mis face à face se reflètent à l’infini, Yves Lecomte tente d’épuiser toutes les possibilités de reproduction – ou plutôt de réflexion – qui s’offrent à lui. Les miroirs vus de dos – l’arrière de la vitre, ou du cadre – sont donc copiés en trompe-l’oeil dans leurs moindres détails, présentés inversés, en miroir, … Le tout suit un processus rigoureux, articulé autour du chiffre huit, alors que de l’ensemble se dégage au contraire une impression de désordre aléatoire. Les œuvres les plus perturbantes sont probablement celles qui reproduisent en peinture l’arrière coloré du miroir tout en inversant la teinte originale : apparaît alors une nouvelle couleur, qui est bien le « reflet » de celle utilisée à la base lors de la fabrication de l’objet.
Les photographies ajoutent une couche de complexité : elles reproduisent également les différentes possibilités d’inversions, tout en questionnant leur propre nature d’oeuvres reproductibles. Ce sont à l’origine des sténopés, soit des images inversées (de bas en haut) et en négatif de toutes les œuvres exposées, mais que l’artiste a numérisé et par la même occasion transformé en tirages positifs. Le sténopé se trouve dès lors doublement modifié, dans la mesure où même son unicité est niée par le processus numérisation.
Mirror Maze peut se concevoir comme une grande installation, ou comme une série d’oeuvres étroitement liée les unes aux autres – l’un n’empêchant d’ailleurs pas l’autre. Et si le projet n’est pas dénué d’humour (comme souvent chez Yves Lecomte), il est surtout le fruit d’un long et complexe travail de préparation et de production (une autre constante chez l’artiste). Il constitue aussi, et ce n’est pas négligeable, un antidote puissant à la maladie du selfie qui frappe aujourd’hui durement toutes les couches de la population : - Miroir, mon beau miroir …
His favorite game : Erase and rewind
Christophe Veys
Le travail d’Yves Lecomte a la particularité de laisser certains de ses spectateurs perplexes. A l’instar d’un Pierre Bismuth ou d’un Claude Closky ses pratiques sont complexes, multiples et non dénuées d’humour. L’objectif de ce texte monographique est de présenter l’œuvre d’Yves Lecomte de manière globale et d’y souligner les éléments récurrents.
Compagnon du travail d’Yves Lecomte depuis de nombreuses années je me propose donc de vous dresser un panorama subjectif de ce travail. Celui-ci s’organise notamment autour du plaisir, de l’effacement, du double, du passé et de l’accident. Pierre-Yves Desaive a quant à lui choisi d’aborder finemant le travail sous l’éclairage du reflet et du fortuit. En fin de volume, vous trouverez un ensemble de notices permettant de décrypter plus directement chaque oeuvre.
De l’enfance d’Yves Lecomte je ne sais rien. Tout du moins rien qui n’aurait ici de sens. Je fus, en compagnie des deux autres Témoins Oculistes, spectateur de ce qu’il nomme volontiers sa crise d’adolescence artistique. Celle-ci fut tardive (elle s’effectua après ses études supérieures à l’académie des Beaux-arts de Bruxelles) et géographiquement très localisée (au sein de la fondation pour la tapisserie, des arts muraux et du tissu de la ville belge de Tournai). Cette institution était l’unique lieu où un jeune artiste pouvait bénéficier d’une bourse en Communauté Française de Belgique. Elle vit d’ailleurs passer les plus grands noms de l’art d’aujourd’hui de Michel François à Ann-Veronica Jansens ou encore Edith Dekyndt et Benoît Platéus. Chaque année les boursiers proposent une exposition qui clôture leur résidence annuelle. C’est à cette occasion que je découvris pour la première fois le travail d’Yves Lecomte. Je garde en mémoire une pièce en particulier. Il s’agit d’une table vitrine dans laquelle est étendu un réseau de poils et de cheveux positionnés précisément afin que l’on soit confronté à un gisant capillaire dont le temps n’aurait épargné que la toison. On découvrait ainsi Yves Lecomte dans le plus simple appareil pour ne pas dire à poil. Il s’agit donc d’un autoportrait en figure d’effacé. Cette œuvre est à lire comme un rituel de passage. Exposant sa pilosité et s'en séparant, il affirmait son appartenance au genre masculin mais simultanément à sa dévirilisation. Autour de cette pièce étaient présentées des empreintes en latex de fragments de corps de l’artiste : peau, sexe, etc… Yves Lecomte profita donc de la ville au cinq clochers pour faire sa mue.
C’est dans son atelier bruxellois que nous retrouvâmes son travail. Il y exposait une série de toiles, sortes de remakes de ses sculptures tournaisiennes. Après sa phase d’effacement celle du redoublement débutait. Nous étions face à un double bidimensionnel dont la source sculpturale ne nous était pas offerte à la vue. Une bobine de fil constituée des cheveux de l’artiste y était peinte avec talent sur un fond vert.
Suite à cette double rencontre avec le travail nous décidâmes de le convier à exposer dans le cadre d’une exposition collective ayant pour titre : « d’Abaton à Jérimadeth ». Deux lieux imaginaires. L’espace de la cave de l’association lui fut intégralement consacré. Il y réalisa une œuvre jalon dans son travail. Il s’agit de son premier Espace Miroir. La cave des Témoins Oculistes était un lieu particulier. Le plafond étant très bas et constitué de poutres métalliques.
Le précédent propriétaire avait creusé une sorte de pataugeoire de 20 cm de profondeur bordée d’un couloir de circulation. L’espace était propice à la projection vidéo (retenons parmi les vidéastes qui y furent présentés Edith Dekyndt, Valérie Mréjen, Laurette Atrux Tallau, …) Mais elle demandait un engagement encore plus profond de la part des plasticiens qui y exposèrent des pièces sculpturales (retenons ici, outre la pièce d’Yves Lecomte, celles de Gudny Rosa Ingimarsdottir ou de Frédéric Gaillard). Durant de très nombreuses heures Yves Lecomte découpa patiemment du vinyle afin de constituer un sol en damier jaune et bleu. La particularité de ce sol tenant au fait qu’il semblait traversé par un miroir au centre de la pièce. Le talon d’une basket dédoublée semblait confirmer cette hypothèse. Cette pièce fit, à juste titre, forte impression auprès de ceux qui la découvrirent (souvent en même temps qu’ils découvraient l’artiste).
Nous poursuivîmes notre compagnonnage du travail en invitant Yves Lecomte à concevoir de nouvelles pièces pour une exposition collective mais cette fois à Paris. Les Témoins Oculistes ayant été sélectionnés pour proposer une exposition de jeunes plasticiens francophones dans le cadre de la présidence belge de l’union européenne en 2001. Cette exposition se déroula durant trois mois au Passage de Retz et accueillit les œuvres d’Edith Dekyndt, Messieurs Delmotte, Frédéric Gaillard, Pierre Gérard, Christine Hamoir, Bénédicte Henderick, Myriam Hornard, Nicolas Kozakis, Emilie Lecouturier, Benoît Platéus, Dominique Thirion, Sophie Whettnall et bien entendu Yves Lecomte. Ce dernier y poursuivit son travail sur le miroir. Il y proposa trois pièces : la première était une chaise réduite dans sa largeur par la présence d'un miroir invisible.
Mais attardons-nous surtout sur les deux autres. Le premier est un boîtier comprenant deux miroirs. Son titre : « Espace miroir », Yves Lecomte trace à l’arrière d’une large glace le dessin d’un carrelage. Ensuite, il ponce patiemment le tain et l’argent du miroir jusqu’à la surface vitre. Apparaît, alors, une alternance entre portions transparentes et portions réfléchissantes. Par la suite, il place cette plaque dans un caisson au fond duquel un miroir vierge est posé. L’espace ainsi créé est paradoxal. L’œil s’y perd entre la surface et la profondeur.
Cet objet parfaitement hypnotique nous fait basculer vers une dimension cachée et nous permet de rencontrer la seconde pièce qui a pour titre : « Traduction OCR // au delà du miroir, p. 130 ». Il était certain qu’Yves Lecomte se devait de visiter l’œuvre de Lewis Caroll. Chez ce dernier, il extrait une page célèbre, celle où Alice passe de l’autre côté du miroir. Le titre de l’œuvre fait aussi référence à OCR. Il s’agit d’un programme de reconnaissance de texte. Or, dans le cas présent, l’OCR est défectueux. Ainsi, il transforme le texte qu’il est sensé retranscrire. Une fois le passage malmené par le scanner, Yves Lecomte renouvelle l’opération au départ de cette nouvelle version. Le texte se transforme, des termes absents de l’œuvre de Caroll font leur apparition. A l’exemple de clone, nain, … L’écart est de plus en plus important. La mise en page tend progressivement à une sorte de disposition graphique proche des formules mathématiques, voire magiques. Puis arrive, après 72 opérations, la page blanche. Les 72 instants sont proposés aux regards des visiteurs comme un témoignage des métamorphoses du réel vers la fiction ou encore comme les phases du passage de la petite Alice au travers de son miroir magique. Yves Lecomte se place ainsi entre Lewis Caroll et Georges Perec.
Ces deux pièces furent présentées en septembre 2004 lors de son exposition personnelle à la galerie Porte 11 de Bruxelles. Cette exposition est le sommet de son questionnement sur le double. Il y présenta de nombreux objets miroirs mais aussi nombre de pièces qui relèvent d’autres préoccupations.
Dans le même esprit que les pièces miroirs on découvrait des peintures sous plaque de verre (ce que le spécialiste appellera l’églomisé). Des merveilles de maîtrise technique picturale puisqu’il s’agit de peindre à rebours.
Profitant à nouveau de son OCR défaillant il plaça cette fois une photographie d’une série qu’il avait initiée sur les désordres. Le programme chercha donc à décoder l’image pour en faire un texte. Du désordre il sorti une double page de texte ou plutôt de signes que l’artiste fit graver sur deux plaques. L’ordinateur devenait dès lors un critique chargé de mettre des mots à la place des images.
Le jeu est l’un des moteurs d’Yves Lecomte, il ne pu donc résister à mettre le spectateur dans le bain dès son arrivée dans le patio de la galerie. Sur un mur qu’il avait spécialement peint en bleu océan il peignit ce qui pouvait être perçu comme un étrange croisement entre des hiéroglyphes et un rébus. Un œil et une oreille surmontaient un stade dans un désert, un œil et le même stade dans son même désert. Certains visiteurs téméraires cherchèrent à élucider le mystère de cette peinture murale. Ils y virent un avertissement à être vigilant tant au niveau de leur vue que de leur ouïe dans l’exposition. Il n’en était rien. Les sept éléments qui constituaient ce mural signifiaient no sense. D’avertissement il était question mais c’était celui d’un univers burlesque. Cette traduction n’avait été découverte par Yves Lecomte que par une vaine tentative de recherche de typographie. Nous avons tous fait l’expérience de traduire un texte en symboles et de craindre une perte irrémédiable de lisibilité. Ici le cryptage était pleinement assumé. A l’instar de l’interview de Brian Ferry dans le magazine Ray Gun en 1994 où le directeur artistique de la publication avait décidé d’imprimer le texte dans une fonte de symboles rendant par là même l’interview totalement illisible.
Il est à noter que le premier texte que j’ai pu signer à propos d’Yves Lecomte a connu un sort plus ou moins similaire puisqu’il a été imprimé en miroir.
Il y avait aussi dans cette même exposition une série de pièces qui relèvent toutes de l’erreur humaine. Il y a chez Lecomte une sorte de bonheur malicieux à collectionner les bourdes et défaillances : des objets de l’industrie mal étiquetés, utiliser une erreur commise par une commissaire d’exposition peu aguerrie en photographie de presse, …
La présente monographie contient une œuvre inédite glorifiant l’erreur humaine. Lors d’une discussion j’ai évoqué le fait d’avoir interrogé mes étudiants à propos de son travail lors d’un examen. Yves Lecomte demanda à lire les copies. Il s’y découvrit sous de nouveaux points de vue parfois fantaisistes auxquels il ne résita pas. Le titre de cet ouvrage ( How I became Prime Minister ) vient directement d’une erreur d’un étudiant ayant confondu le nom de l'artiste avec celui d’Yves Leterme (à l’époque premier ministre du royaume).
Il serait injuste de ne pas parler un instant d’un projet très particulier dans la production d’Yves Lecomte. Il s’agit du projet l’exposition de vos r^ves. Réalisé conjointement avec Christine Fonteyn, elle se déroula en trois temps. La première étape fut celle de la récolte.
Les commissaires mirent en place différents moyens afin de recevoir des commandes de tous horizons répondant à la proposition d'une exposition rêvée. Parmi les réponses figuraient notamment : un paysage qu’on peut mettre chez soi, la petite sirène de Copenhague sur un chameau ou des nus masculins et féminins, pas vulgaires, avec de beaux fessiers. Pas de bourrelets (quelque chose de beau !).Christine Fonteyn et Yves Lecomte proposèrent à vingt artistes de réaliser différentes commandes. Dernières étapes : le musée Ianchelevici de La Louvière et La Médiatine de Woluwe Saint Lambert où furent exposés les souhaits. Yves Lecomte se chargeant par exemple de réaliser la commande : une expo sur le monde des chevaux (avec par exemple une statuette, articles de décoration, …). Y figure une planche à pain pyrogravée d’un accouplement d’équidés de plus de deux mètres.
Le comique connaît de nombreuses formes. Le comique de répétition en est une. Yves Lecomte a en partie cherché à le transposer dans une série d’œuvres réalisées pour le prix des arts plastiques du Hainaut. Après diverses participations, il propose un choix d’œuvres issues de sa dernière exposition bruxelloise. L’accueil est poli mais dubitatif.
L’année suivante il décide de peindre deux grandes toiles ayant pour sujet les deux faces de son intervention précédente. Les toiles mesurent 3,60m par 2,40m. De quoi combler de bonheur les amateurs de peinture qui pouvaient reprocher au travail d'Yves Lecomte un caractère hermétique.
L’année suivante il profite d’une erreur parue dans un magazine local. Ce périodique signalait qu’il avait gagné le prix. Dans un autre article, les vainqueurs étaient regroupés autour des deux peintures. Il décida de reproduire scrupuleusement au crayon ces articles afin d’attester qu’il serait de bon ton d'agir en conséquence. Rien n’y fit.
Lassé de remettre un nouveau dossier chaque année, il décida d’envoyer une longue lettre d’une douzaine de pages expliquant les raisons pour lesquelles il lui semblait impératif de lui remettre ce prix. Cette lettre est truffée de moments savoureux et oscille entre complainte et ironie. Malheureusement il accompagna ces feuillets encadrés de différentes Private Jokes à nouveaux hermétiques qui le firent passer pour un simple plaisantin. Pour autant, je garde un très beau souvenir d’une peinture murale de fond jaune sur lequel flottaient les silhouettes de cartes géographiques de nations. La Belgique y voisine l’Espagne alors que le Brésil la Pologne et l’Autriche se rencontrent. Il s’agissait en fait de la répartition nationale sur base du plan des pavillons des jardins de la Biennale de Venise.
Frappé par la limite d’âge il ne lui restait qu’une occasion afin de remporter le prix en 2009. Il proposa sobrement un échantillon de ses nouvelles productions mais le jury lui aussi joua de répétition.
La sobriété fit donc son apparition dans l’œuvre d'Yves Lecomte lors de son exposition personnelle à la galerie Olivari-Veys en 2008. Bijou de sophistication minimale aux nombreuses notes espiègles et intelligentes, telle fut cette exposition. Le noir et, plus rarement, le blanc régnaient en maître dans la galerie. Les œuvres évoquaient tout à la fois le rapport domestique au septième art et la rapide dégradation des innovations technologiques.
Au bas d’un monochrome noir apparaissait la mention : « les images ne nous parviennent plus ». Un autre monochrome se révélait être une télévision écran plat éteinte alors que de massives formes en bois superposées évoquaient tout à la fois un cimetière de télévisions cathodiques et une réinterprétation de la colonne sans fin de Constantin Brancusi.
Un autre objet obsolète était utilisé pour générer un incroyable mur aux effets optiques vibrants. En effet, l’artiste avait tendu des bandes VHS sur la totalité d’un pan de la galerie. Les écarts entre les bandes étant variables le public était troublé dans sa perception de l’espace. Certains spectateurs manquèrent de trébucher face à cette œuvre.
Autre moment majeur de cette exposition : un ensemble de vingt dessins encadrés ayant pour point commun d’être la fidèle reproduction des avertissements contre la copie des supports DVD. Rédigés chacun dans une langue étrangère (du français au russe en passant par l’arabe ou l’hébreu) il s’agissait d’un travail d’une patience d’ange puisque les lettres étaient blanches de la réserve du papier. Le piratage informatique qui est une opération mécanique et rapide se transformait en une opération lente et manuelle. De plus il ne s’agissait plus de copier un film mais bien un avis interdisant la copie.
La dernière pièce de cette exposition était un ready-made télévisuel. Il s’agit de plus d’une heure d’enregistrement d’une série de matches de tennis sur la chaîne Eurosport. La particularité de cette retransmission tenant au fait qu’elle fut émaillée de nombreuses incises de neige de pixels. Ainsi la télévision offrit à Yves Lecomte une nouvelle pièce à sa collection d’accidents.
Durant l’été 2010 de nouvelles pièces prirent vie.
« The rotcelloc » est né d’une collection constituée d’un grand nombre de miroirs glanés par l’artiste sur les trottoirs bruxellois ou sur les marchés aux puces.Les miroirs sont accrochés face contre les murs. Ils sont condamnés à ne plus rien refléter et deviennent autant de tableaux plus ou moins monochromes aux formes variables et puissamment décoratives.
Fouineur, Yves Lecomte découvre un stock d’affiches dans une imprimerie abandonnée. Elles ne possèdent que des espaces délimités préétablis accompagnant des fonds rouges et bleus. Potentialité éternellement suspendue dont l’artiste se saisit afin d’en faire un mur tapissé glorifiant une société du spectacle du vide.
Twins, quant à lui, est le résultat de l’union ombilicale d’une ponceuse et d’une scie sauteuse. Objets siamois devenu stérile par leur rapprochement.
La petite dernière, toujours en cours d’élaboration au moment d’écrire ces lignes, est une vis ayant pour principe de se visser uniquement dans le sens du dévissage. Où l’on retrouve sa passion pour un monde à l’envers.
En 1999, la voix sucrée de Nina Persson répétait son « erase and rewind » mécanico-mélancolique. Une année plus tôt, elle et son groupe nous entraînaient dans son « Favorite game ». « Losers » figure lui aussi sur le best of de The cardigans.
Bien que très éloignés de ses goûts musicaux ces trois titres peuvent favoriser une approche globale du travail de l’artiste belge. Ces titres révèlent des constances dans un travail plastique, qui au demeurant seulement, semble particulièrement hétérogène. Il s’agirait donc d’une œuvre qui serait un jeu préféré peuplé d’une kyrielle de perdants, où le retour en arrière et l’effacement sont des outils. D’apparence cérébrale la pratique d’Yves Lecomte est particulièrement jouissive, pleine de fantaisies, de malices.
Elle se nourrit du quotidien comme c’est le cas chez Duchamp, Closky ou encore Bismuth. Pour autant, le labeur n’est aucunement évité dans sa pratique. Les idées de pièces d’Yves Lecomte l’entraînent très régulièrement vers des nuits sans sommeil. Le bonheur espiègle de réaliser un espace miroir en vinyle jaune et bleu dans la cave du centre d’art les Témoins Oculistes à Bruxelles dut lui coûter de nombreuses séances de kinésithérapeute. De même, il y a un monde entre l’idée de dessiner les vingt huit versions d’avertissements figurant sur support dvd et le fait de patiemment les colorier tel un moine copiste ou un pauvre écolier puni par un professeur particulièrement sadique. « Erase» car l’effacement est omniprésent dans son œuvre. Ôter le tain d’un miroir, faire disparaître une page de Lewis Caroll, faire d’un téléviseur hyper technologique un simple monochrome noir,« Rewind » car outre une passion dévorante pour le cinéma et particulièrement le home cinéma qui doit lui avoir fait profiter de la touche rewind plus d’une fois. Il y a chez lui et dans ses œuvres peintes un goût pour la réalisation à l’envers, à rebours, d’images.
Ces trois titres nous ont permis de mettre en perspective les œuvres d’Yves Lecomte qui peuvent apparaître comme disparates mais s’articulent en fait autour de quatre points cardinaux qui en font tout l’intérêt. Si leur abord peut sembler complexe voir hermétique il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’un jeu dont l’auteur souhaite sortir gagnant comme le soulignait le titre d’une de ses pièces à lire à rebours : « engage le jeu que je le gagne » Il ne vous reste qu’à rentrer dans cette partie qui ne manquera ni d’humour ni de sens plastique.
Christophe Veys
Un témoin
La trahison des reflets
Pierre-Yves Desaive
Lors de la 53ème édition de la Biennale de Venise en 2009, les visiteurs ont pu découvrir, dans l’une des grandes salles qui jalonnent le parcours de l’Arsenal, une impressionnante installation de Michelangelo Pistoletto. Depuis 1966, l’artiste italien fait figure d’habitué de la manifestation, avec pas moins d’une dizaine de participations – mais sans doute celle-ci restera-t-elle comme l’une des plus marquantes et spectaculaires. Twenty Two Less Two se composait de vingt-deux grands miroirs de trois mètres de haut et de deux mètres de côté, pourvus d’un lourd cadre doré, disposés de manière à créer un espace illusoire, infini. Peu de spectateurs ont pu la voir sous cette forme : le jour précédant l’ouverture, Pistoletto, armé d’un lourd maillet en bois et devant une petite assemblée médusée, fracassa vingt des vingt-deux miroirs, laissant les débris sur le sol comme une trace de la performance à destination des futurs visiteurs de la Biennale. Les interprétations de son geste ne manquent pas, mais aucune n’est vraiment satisfaisante : s’agissait-il de mettre symboliquement un terme à plus de quatre décennies de recherches sur ses Quadri specchianti (dont les premiers datent de 1961) ou, alliant le geste à la métaphore, d’aller voir ce qui se cache derrière le miroir en le brisant ? Les travaux récents de Pistoletto tendent à accréditer la seconde hypothèse : son Nouveau signe de l'infini (Nuovo segno del’infinito), qui comprend trois anneaux plutôt que deux, évoque selon lui la forme de l’utérus, ou comment introduire l’accident de la vie – événement pris entre les balises de la naissance et de la mort – dans la perfection de l’infini.
Le reflet et le fortuit : ces deux pôles autour desquels s’articule le travail d’Yves Lecomte (l’artiste voudra bien, je l’espère, excuser ma petite digression vénitienne en guise d’introduction). En 2004, il nomme son exposition à la galerie La Porte 11 d’après le titre de l’une des œuvres présentées, Engage le jeu que je le gagne. Les amoureux de la langue française auront tout de suite reconnu un palindrome assez complexe tandis que les autres – dont je faisais partie à l’époque, autant l’avouer tout de suite – ne peuvent qu’être frappés par le caractère pugnace de la phrase : nous allons y revenir. Il s’agit d’une peinture murale, réalisée dans l’un des angles de la galerie, qui retranscrit dans l’espace la parfaite symétrie du texte, coupé en son milieu – une partie à gauche, une partie à droite. Il ne s’agit donc pas simplement d’évoquer la figure de style en créant un effet de miroir dans lequel se « reflète » la phrase entière, mais bien de créer un palindrome visuel, en faisant du « q » de « que » le pivot autour duquel s’articulent deux groupes de onze lettres. Quel statut conférer à cet élément ? De quel côté du miroir le placer, sachant qu’il ne peut être à la fois lui-même et son reflet ? Ici se glisse le petit accident de parcours, qui témoigne de l’hésitation de l’artiste à trancher, le moment venu : le « q » est pourvu de deux barres verticales comme si, destiné à se trouver dans le monde de l’endroit, il avait finalement basculé dans celui de l’envers, se dédoublant en partie dans l’opération. L’erreur eût été facile à corriger, mais Yves Lecomte, avec une certaine élégance, ne l’a pas fait. Avec intelligence, aussi, car la pièce, avec son imperfection relative, y gagne en cohérence : c’est bien de la difficulté de jouer avec les deux côtés du miroir dont il est ici question. Dans cette optique, le choix de la phrase « engage le jeu que je le gagne » n’est pas sans conséquences. Les mots palindromes les plus connus tels « radar » et « rotor » désignent, quel merveilleux hasard, des objets associés à la forme du cercle, symétrique par excellence. Et que dire de « kayak », qui offre le luxe absolu à l’utilisateur de choisir ce qui constitue l’avant ou l’arrière de l’embarcation… Par comparaison, la phrase palindrome peut être porteuse d’un sens qui, lui, ne se prête pas aussi facilement au retournement. Yves Lecomte aurait pu choisir par exemple le littéraire « La mère Gide digère mal » (les nourritures terrestres ?), attribué à Louis Scutenaire, ou encore le fréquemment cité « Elu par cette crapule ». Mais engage le jeu… place les deux parties du palindrome dans une logique d’affrontement, qui crée un déséquilibre – un accident de plus –, dans l’équilibre de la figure de style : lequel des deux joueurs, de l’endroit ou de l’envers, du réel ou de son reflet, aura finalement le dessus ? L’œuvre nous laisse devant une interrogation.
Chez Yves Lecomte, les palindromes sont aussi des peintures à l’huile sur verre : Doigts et Baiser, réalisées au départ de photographies mises en miroir, puis retravaillées de manière à définir de plus larges zones de couleur. Christophe Veys a joliment synthétisé la technique utilisée par l’artiste, l’églomisé, en décrivant ces œuvres comme des « peintures à rebours » - la dernière couche venant en premier, puis les suivantes, jusqu’à la touche finale, rendue invisible. A l’inversion des images dans le plan horizontal – doigts de touchant, lèvres se cherchant, torse semblable à un test de Rorschach –, vient s’ajouter une inversion en profondeur, sorte de mise en abîme du palindrome visuel. Ce plaisir que prend l’artiste à brouiller les cartes de la perception pourrait d’ailleurs synthétiser une grande part de son travail : il n’est pas de reflet du réel dont la fiabilité ne puisse être remise en question, et ce quel que soit le miroir utilisé.
La numérisation d’une œuvre littéraire, sa transposition sous la forme d’une suite de 1 et de 0, est sensée garantir sa pérennité via une copie parfaite. Avec Traduction O.C.R. / Au-delà du miroir, p. 130, Yves Lecomte démontre au contraire que même les « reflets numériques » ne sont pas exempts d’aberrations. L’artiste choisit, dans l’œuvre de Lewis Carroll, le texte décrivant le passage d’Alice de l’autre côté du miroir, et le scanne à l’aide d’un programme de reconnaissance optique de caractères ; des erreurs apparaissent – termes absents du texte original, signes divers à la place des lettres – dès la première version produite, qui ne cessent de s’aggraver au fil des 72 opérations de numérisation successives, jusqu’à obtenir une page blanche. Ellsworth Kelly a illustré le Coup de dés de Mallarmé avec de larges aplats en pleine page. Marcel Broodthaers a été plus loin, en donnant du même texte une Image (le terme est inclus dans le titre de son œuvre) sous la forme de plaques métalliques, soit un reflet déformé de l’écrit, devenu œuvre plastique. La démarche d’Yves Lecomte participe de la même réflexion : en choisissant d’encadrer séparément chaque page malmenée par le scanner, puis de les présenter toutes ensemble, il transforme le texte en une œuvre sculpturale, un « monument » au sens premier du terme.
Ailleurs, les lettres renouent avec l’archéologie de l’écriture, les mots « No Sense » transformés en une suite de pictogrammes par une police graphique. Traduttore, traditore : le reflet se fait traduction, et trahit l’essence de l’écrit. Mais cette trahison est double : non content de substituer des images aux mots, l’artiste fait de son intervention une peinture murale, comme pour mieux affirmer le nouveau statut d’un texte reproductible à l’infini devenu œuvre plastique unique.
Tout cela finirait par faire « désordre »… terme choisi par Yves Lecomte pour désigner une série d’œuvres, parmi lesquelles figure la traduction d’une photographie couleur par un programme de reconnaissance optique de caractères. Le résultat – des séries de signes illisibles – est gravé sur des plaques de plexiglas. Une pièce épurée à l’extrême, dont la rigueur contraste singulièrement avec les libertés prises par l’artiste vis-à-vis de la technologie pour la réaliser. Ce paradoxe entre une esthétique minimaliste et des techniques pour le moins expérimentales, basées sur l’accident de parcours, fait tout l’attrait du travail d’Yves Lecomte. Derrière ses œuvres à l’apparence austère se cache toujours une solide dose de non-sens et d’humour, pour qui prend le temps de les dénicher. Aussi l’intérêt de l’artiste pour Lewis Carroll est-il double : d’une part, et c’est l’aspect le plus évident, il y ce goût commun pour la symbolique du miroir, et pour le reflet déformant qu’il finit toujours par renvoyer. Ensuite, il y a De l’autre côté du miroir, et ce qu’Alice y trouva : un monde inversé, mais dont l’absurdité devait servir à Lewis Carroll pour critiquer la société de son temps – ou comment le conte pour enfant se fait satire sociale.
La démarche d’Yves Lecomte présente de ce point de vue des similarités avec celle de l’écrivain, mais c’est plus précisément sur les codes de l’art qu’il pose son regard amusé. Lorsque l’artiste regarde derrière le miroir, il y trouve un enduit grossier, sur lequel est imprimée la référence du produit : « MIRALITE EVOLUTION 29-01-03 08 » : c’est cette face, retournée dans le sens de la hauteur, qu’il présente dans un sobre cadre en bois noir. La pièce évoque pêle-mêle la peinture monochrome, une date painting d’On Kawara, ou un statement de Lawrence Weiner… mais n’est en fait qu’un objet trouvé. Miralite Evolution joue avec les codes de l’esthétique minimale et conceptuelle, tout comme la série des Faking Of qui sont, comme leur nom l’indique, de faux dessins préparatoires à des œuvres préexistantes.
De l’autre côté du miroir, tout peut être désigné par son contraire, et réciproquement : rien d’étonnant donc à ce que la série des Sculptures, #1, #2, #3 soit composée de trois peintures sur verre… chacune d’entre elles figurant une œuvre tridimensionnelle réalisée par Yves Lecomte. Certes, le langage nous autorise à désigner sous le terme de « paysage » ce qui est d’abord un « tableau » ; mais dans le cas qui nous occupe, ce jeu de mots sur les deux familles typologiques qui fondent le système occidental des Beaux-Arts n’est sans doute pas un hasard. Il s’agit pour l’artiste de nous faire douter de la capacité des mots à refléter le réel, comme en témoigne la série des N.C.S. (Nice Color System) : une rame de papier de couleur étiquetée « papier blanc », ou un paquet de « cinq lavettes blanches » d’un jaune criard. Des petits accidents de parcours, comme Yves Lecomte les affectionne, récupérés par lui et désignés comme ready-made. Cette référence à Duchamp pourrait en réalité s’appliquer à l’ensemble de son œuvre, empreinte d’une rigueur toute conceptuelle, mais volontairement contaminée, sur un mode humoristique et poétique, par des éléments fortuits. Après tout, l’absurde chez Lewis Carroll n’a-t-il pas été une source d’inspiration pour les dadaïstes ?
Le terme de ready-made est à nouveau utilisé pour désigner plusieurs œuvres d’une série consacrée au plus déformant des miroirs que l’époque contemporaine se tend à elle-même : la télévision. Monochrome, qui n’est autre qu’un écran LCD éteint, évoque le Unplugged Bruce Nauman Video Work (2003) de Pierre Bismuth ; mais comme l’indique son titre, il s’agit d’abord d’envisager la dimension esthétique de l’objet, et la symbolique attachée à sa fonction de transmetteur d’images (le propos ironique de Bismuth vise l’objet en tant qu’œuvre). Cette transmission, à l’heure du tout-numérique, s’effectue rarement sans incidents : Ready-made (US Open, Day 3) est l’enregistrement d’un tournoi de tennis, parasité par des formes géométriques colorées qui se succèdent de manière aléatoire à l’écran. Comme le scanner défectueux de Traduction O.C.R., l’émetteur numérique renvoie un reflet déformé, interprété erronément par une machine.
A la fin de ce petit parcours, il reste encore beaucoup à dire, et encore plus à découvrir. J’ai choisi de m’attarder sur la question du miroir et du reflet déformé, mais j’aurais pu citer dans ce cadre bien d’autres œuvres, telle que Objet miroir (caisse), à mi-chemin entre la sculpture et l’objet trouvé. Il me semble toutefois que deux choses méritent d’être soulignées, qui font la spécificité, et la qualité, du travail d’Yves Lecomte. D’un point de vue formel, d’abord : si l’attrait pour les théories artistiques du milieu et de la fin des années ’60 est très répandu auprès de toute une génération d’artistes nés après 1970, il n’est pas si fréquent de découvrir des œuvres qui intègrent cette influence tout en prenant ses distances avec elle. C’est pourtant le cas chez Yves Lecomte, qui assimile les codes de l’esthétique minimale et conceptuelle sans jamais tenter d’en reproduire le discours. Ensuite, et c’est le second point, l’artiste parvient à élaborer, avec des moyens d’expression très variés, un propos d’une rare cohérence sur le statut de l’image – dans une époque qui en est saturée –, sans jamais avoir recours à la représentation. Une œuvre telle que Les images ne nous parviennent plus est emblématique de cette démarche : sur une vitre noire, encadrée de noir, apparaît la phrase-type issue du langage de l’audiovisuel pour signaler une interruption des programmes. Mais l’écran ne reste jamais vide : il continue de refléter le monde qui lui fait face. Aussi, plutôt que de produire de nouvelles images du réel, mieux vaut aller les chercher de l’autre côté du miroir. Un traître, certes, mais « un homme ne peut être trop soigneux dans le choix de ses ennemis » disait Oscar Wilde. Voilà sans doute pourquoi, contrairement à Pistoletto, Yves Lecomte n’a aucune envie de s’en débarrasser.